Mon pied droit est jaloux de mon pied gauche. Quand l’un avance, l’autre veut le dépasser. Et moi, comme un imbécile, je marche !
Raymond Devos
Población de Campos (ES)
Sahagún (ES)
étape 45 | jour 55
57.07 km
6 h 35
356 m↑
Description
Ce matin, nous déjeunons seuls car Luis, comme à son habitude, est parti très tôt. C’est l’épouse du patron qui nous sert et nous sommes reçus un peu comme à la maison, vraiment très sympa. Pascal lui achète également deux grandes bouteilles d’eau pour les gourdes et elle lui offre deux oranges « por el camino » lui dit-elle !
Côté météo, bien qu’il fasse frais la nuit ce qui nous permet de bien dormir, la température monte jusqu’à 30 degrés dans l’après-midi et le soleil bien présent. Il se voile parfois quand un grand nuage blanc passe devant, ce qui fait intensément baisser la luminosité et l’intensité des couleurs du paysage, qui reviennent instantanément après, un peu comme si on éteint et allume le projecteur sur un plateau de cinéma.
On entame donc l’étape avec les meilleures conditions météorologiques possibles et dès la sortie du village, on tombe nez à nez avec une scène d’un autre temps : un berger et son troupeau de moutons. Avec son chien et son bâton, il manie le troupeau à la perfection et, telles une vague de laine blanche, les moutons s’écartent du chemin pèlerin qui longe la route automobile pour nous laisser passer et, dès qu’une voiture ou un camion arrivent, c’est l’inverse qui se produit. On observe ce tableau magique un moment et on repart le long de la petite route de campagne P-980. Comme mentionné, celle-ci est flanquée d’un chemin de plus ou moins bonne qualité pour les marcheurs. Ainsi, à vélo nous empruntons un bout le bitume et un bout le chemin suivant nos envies, mais aussi pour éviter les pèlerins à pied qui s’égrènent le long du tracé rectiligne.
A Villalcazar de Sirga, sur la place devant l’église Santa María La Blanca se trouve une sculpture métallique représentant un pèlerin attablé qui permet de s’asseoir avec lui. Bien sûr, nous en profitons pour immortaliser ce moment. Cela permet aussi un petit moment de divertissement avant d’enchainer sur la suite de la P-980 également rectiligne et qui finit par descendre sur Carrión de los Condes où l’on prend un jus d’orange frai, un café et un pain au chocolat au bar « sol ». On en profite aussi pour faire un peu de shoping au magasin destiné au randonneurs et pèlerins dont le nom divulgue le type de clientèle visée « The Pilgrim’s Oasis Store ». Cela fait plaisir de trouver enfin des objets-souvenirs du camino.
Pour sortir de la petit bourgade, nous empruntons la PP-2411 qui passe au-dessus de la N-120 qu’on retrouvera un peu plus tard. Après quelques kilomètres, la route moderne oblique brusquement sur la droite pour laisser place à une longue route blanche rectiligne sur 17 km. Il s’agit du tracé de l’ancienne voie romaine la Via Aquitana, appelée aujourd’hui la Páramo. Il n’y a aucun bar, ni restaurant, ni maison à l’horizon, enfin ça c’était avant… car maintenant un food truck s’est installé à mi-parcours. Le vent de la veille ayant baissé et ne venant plus de face mais de côté, pour nous cyclistes, on avale cette portion en un peu moins d’une heure, mais on a quand même une petite pensé émue pour les marcheurs qui auront bien le temps de méditer le pourquoi du comment de leur voyage. D’ailleurs, on observe depuis le début du Francés que beaucoup d’entre eux marchent les écouteurs vissé dans les oreilles et ne nous entendent par arriver en vélo, et surtout ils n’entendent pas notre « buen camino » quand nous les dépassons. Ils sont physiquement sur le chemin mais beaucoup sont en route dans le monde virtuel et digital.
A la fin de la route romaine rectiligne, une petite descente nous amène à Calzadilla de la Cueza où se trouve la très instagrammable Albergue Camino Real, où l’on s’installe sur la terrasse pour manger un plat pour notre pause du midi. Cela sera une spécialité locale, soit des asperges au vinaigre avec de la salade. Au milieu du repas arrivent deux cyclistes sur leur gravels électriques équipés de sacoches de voyage. Ce sont deux Français, l’un est sexagénaire, Ludovic, et l’autre à une dizaine d’années en plus, Patrick, ils sont partis de chez eux à la Rochelle et viennent de fêter leur 1000 kilomètres ! Ils se moquent gentiment de nous les riches suisses et bien sûr, magnanimes, nous partageons notre secret : l’arbre à billets de banque. Naturellement, les deux bons vivants veulent avoir des graines du fameux arbre, nous leur répondons que nous allons voir ce qu’on peut faire 😊…on ne le sait pas encore, mais on les retrouvera plus tard.
Pour la suite du parcours, on retrouve une vielle connaissance, la N-120 qui est peu fréquentée sur ce secteur et offre de surcroit une belle bande cyclable. Cela nous permet d’atteindre rapidement Terradillos de los Templarios, un village abandonné dont un ou deux bâtiments survivent grâce au camino. Le Camino, que nous suivons toujours, quitte le chemin piéton le long de la route goudronnée pour une incartade dans la campagne. Puis le Chemin rejoint à nouveau la N-120 à la hauteur de San Nicolás del Real Camino où, juste après le nœud autoroutier, on franchit la limite de la province pour entrer dans celle de León. Ensuite, au bas d’un courte descente, il ne faut pas oublier de tourner à droite en direction de l’Emita de la Virgen del Puente où deux colonnes sculptées marquent le milieu géographique du Camino Francès ! Ainsi, il nous reste environ 390 km jusqu’à Santiago, on approche gentiment… un coup de pédale après l’autre.
Après avoir franchi les derniers kilomètres qui nous séparent de Sahagún, on tente notre chance à l’Hostal San Juan. On y est super bien accueilli par le gérant qui ne parle qu’espagnol … mais avec google, et trois mots d’italien et d’anglais on finit par avoir une chambre. L’hôtel vient d’être rénové et les chambres sont grandes et modernes. Quelle surprise dans le garage à vélo quand nous reconnaissons « Moustache », le vélo de l’un des Français de la Rochelle ! Ils sont dans le même hôtel que nous, quel hasard !
Le soir, nous soupons au Restaurant « Luis » qui offre un super menu pèlerin avec une soupe castillane en entrée et du bœuf braisé en plat. C’est délicieux, et l’accueil est sympa !
En revenant à l’hôtel, on tombe sur les deux Français qui finissent justement leur repas à la terrasse d’un autre restaurant. Nous proposons d’aller boire un verre ensemble à une autre bar, on discute et rigolons beaucoup ! Au final, Agnès et moi ressortons avec une invitation à venir visiter et profiter des délices culinaires de la Rochelle, notamment les fameuses langoustines 😊.
C’est donc de très bonne humeur que nous allons tous nous coucher.
Ce matin, mardi 18 juin, le temps est conforme au prévision, c’est-à-dire nuageux et pluvieux : on réfléchit à une journée de pause afin également de faire la lessive. D’un autre côté, il est très tentant de rejoindre Léon et d’y passer la soirée avec Ludovic et Patrick. Pendant le déjeuner, un violent orage met un terme à notre hésitation et nous allons demander à Carlos le gérant si on peut rester un nuit de plus. Heureusement, c’est possible mais c’est la dernière chambre ! On a de la chance.
Entre deux averses, on prend congé des cyclistes de la Rochelle qui rejoindront León ce soir pour atteindre Santiago dimanche ou lundi ! Avec leur machine électrique, ils parcourent presque deux de nos étapes. Surtout, si le terrain est accidenté, l’assistance électrique aide à maintenir la cadence, par contre sur un parcours plat comme hier ils ne nous prennent que une-deux heures d’avance.
Nous allons faire la lessive à la laverie automatique et, en attendant que la machine finisse son travail, nous faisons la connaissance de trois jeunes Australiens qui, surpris par l’orage et trempés, profite de faire une lessive avant de continuer dans des habits propres et secs. Après leur Camino, ils profiteront pour faire un tour d’Europe en Backpacking !
On fait un rapide tour de ville touristique, mais la pluie continue n’incite pas à flâner. On mange des empanadas en guise de repas de midi. Et, depuis le confort du bar où on s’est arrêté, on observe les pèlerins plus ou moins trempés qui commencent à arriver de leur étape et cherchent à s’abriter où à manger quelque chose dans l’un des nombreux restaurants avant de reprendre leur route.
On a décidément pris la bonne décision de rester au sec et au chaud aujourd’hui.
Buen Camino !
Le parcours en video
Hostal San JUAN / 60 € /nuit (avec pdj) – bon Wifi, grande chambre rénovée, gérant sympathique, belle salle de bain. Literie confortable.
Petit-déjeuner en self-service
Note : 6/ 6
Les vélos sont en sécurité dans le garage
Souper : Restaurante Luis (les deux soirs) – menu pélerin
Timbre à l’hôtel à l’office du tourisme
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